LES "CONTES DU JOUR ET DE LA NUIT" LANCENT UN APPEL A POESIE(S) !
(Partenariat avec L'ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE RADIO FRANCE pour la musique)
illustration
Écrivez « à la manière de... » un poème sur le thème du souvenir, de la jeunesse, et d’après les sonorités inspirées par le sextet pour instruments à vent « Mladi » (Jeunesse) de Janacek.
Prenez le risque de vous aventurer à nouveau avec les mots ! Voici une invitation à scander, chuchoter, « musicaliser » un poème à la manière de Prévert, Vian, Rimbaud, Hugo...
Poèmes référencés ci-après :
Chatterie, de Boris Vian
Maintenant j’ai grandi, de J. Prévert
En sortant du collège, de V. Hugo
Le bateau ivre d'A. Rimbaud
Vitam impendere amori de G. Apollinaire
Sagesse, de Verlaine.
• Tordez le sens, l’essence, jouez sur les sonorités.
Par exemple : relevez dans chaque poème les mots qui vous paraissent caractéristiques du thème. Choisissez une forme poétique (nombre de pieds, de strophes, longueur des vers, disposition des rimes) en fonction du poème choisi.
Puis rédigez votre poème sans utiliser les mots relevés, en prenant soin de choisir vos mots en fonction des consonances percussives (pour le rythme de la lecture).
• Proposition : utilisez l’acrostiche en guise de signature (prénom OU nom).
Ces écrits seront envoyés (avec les coordonnées postales, tél. et courriel de l'auteur) à :
veronique.sauger@radiofrance.com
1) en pièce jointe lisible par PC sous Word, mention en objet : " 2d Appel à écritures Contes Jour & Nuit"
2) ainsi qu'à l'adresse suivante :
Véronique SAUGER
FRANCE MUSIQUE
CONTES DU JOUR ET DE LA NUIT - 2d Appel à écritures
116, av. du Président Kennedy - 75220 Paris Cedex 16
3) Sera jointe une autorisation écrite en vue de l'adaptation (réécriture radiophonique adaptée aux musiques) du poème et sa lecture "musicale" sur France Musique par Véronique SAUGER (écrivain, musicienne, productrice des Contes du jour et de la nuit). Les auteurs seront déclarés à la SCAM, Société de droits d'auteurs de l'audiovisuel.
Nom : ................. Prénom : ............... Adresse postale & courriel : .......................................................
Tél. : ..............
Poème choisi :
DATE LIMITE DE PARTICIPATION : le 19 MARS 2008.
Les poèmes sélectionnés seront lus en public le 19 avril au grand auditorium de Radio France.
Bonne écriture et surtout, laissez vivre votre rythme intérieur ! Et...
« Si vos pensées sont à panser, dépensez-les ! » © 11/2007 Véronique SAUGER
Maintenant j'ai grandi, de JACQUES PRÉVERT
Enfant
j'ai vécu drôlement
le fou rire tous les jours
le fou rire vraiment
et puis une tristesse tellement triste
quelquefois les deux en même temps
Alors je me croyais désespéré
Tout simplement je n'avais pas d'espoir
je n'avais rien d'autre que d’être vivant
j'étais intact
j'étais content
et j'étais triste
mais jamais je ne faisais semblant
Je connaissais le geste pour rester vivant
Secouer la tête
pour ne pas laisser entrer les idées des gents
Secouer la tête pour dire non
et sourire pour dire oui
oui aux choses et aux êtres
aux êtres et aux choses à regarder à caresser
à aimer
à prendre ou à laisser
J'étais comme j'étais
sans mentalité
Et quand j'avais besoin d'idées
pour me tenir compagnie je les appelais
Et elles venaient
et je disais oui à celles qui me plaisaient
Les autres je les jetais
Maintenant j'ai grandi
Les idées aussi
Mais ce sont toujours de grandes idées
De belles idées
D'idéales idées
Et je leur ris toujours au nez
Mais elles m'attendent
Pour se venger
Et me manger
Un jour où je serais très fatigué
Mais moi au coin d'un bois
Je les attends aussi
Et je leur tranche la gorge
Je leur coupe l'appétit.
Victor HUGO (1802-1885), En sortant du collège : PREMIÈRE LETTRE
(Recueil : " Les chansons des rues et des bois ")
Puisque nous avons seize ans,
Vivons, mon vieux camarade,
Et cessons d'être innocents ;
Car c'est là le premier grade.
Vivre c'est aimer. Apprends
Que, dans l'ombre où nos coeurs rêvent,
J'ai vu deux yeux bleus, si grands
Que tous les astres s'y lèvent.
Connais-tu tous ces bonheurs ?
Faire des songes féroces,
Envier les grands seigneurs
Qui roulent dans des carrosses,
Avoir la fièvre, enrager,
Être un coeur saignant qui s'ouvre,
Souhaiter d'être un berger
Ayant pour cahute un Louvre,
Sentir, en mangeant son pain
Comme en ruminant son rêve,
L'amertume du pépin
De la sombre pomme d'Eve ;
Être amoureux, être fou,
Être un ange égal aux oies,
Être un forçat sous l'écrou ;
Eh bien, j'ai toutes ces joies !
Cet être mystérieux
Qu'on appelle une grisette
M'est tombé du haut des cieux.
Je souffre. J'ai la recette.
Je sais l'art d'aimer ; j'y suis
Habile et fort au point d'être
Stupide, et toutes les nuits
Accoudé sur ma fenêtre.
Arthur RIMBAUD (1854-1891), Le bateau ivre
(Recueil « Poésies »)
Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.
J'étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.
Dans les clapotements furieux des marées,
Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants,
Je courus ! Et les Péninsules démarrées
N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.
La tempête a béni mes éveils maritimes.
Plus léger qu'un bouchon, j'ai dansé sur les flots
Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l'oeil niais des falots !
Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sûres,
L'eau verte pénétra ma coque de sapin
Et des taches de vins bleus et des vomissures
Me lava, dispersant gouvernail et grappin.
Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème
De la Mer, infusé d'astres, et lactescent,
Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême
Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;
Où, teignant tout à coup les bleuités, délires
Et rythmes lents sous les rutilements du jour,
Plus fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres,
Fermentent les rousseurs amères de l'amour !
Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
Et les ressacs et les courants : je sais le soir,
L'Aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes,
Et j'ai vu quelquefois ce que l'homme a cru voir !
J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques,
Illuminant de longs figements violets,
Pareils à des acteurs de drames très antiques
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !
J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,
La circulation des sèves inouïes,
Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !
J'ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries
Hystériques, la houle à l'assaut des récifs,
Sans songer que les pieds lumineux des Maries
Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !
J'ai heurté, savez-vous, d'incroyables Florides
Mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux
D'hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides
Sous l'horizon des mers, à de glauques troupeaux !
J'ai vu fermenter les marais énormes, nasses
Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan !
Des écroulements d'eaux au milieu des bonaces,
Et les lointains vers les gouffres cataractant !
Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises !
Échouages hideux au fond des golfes bruns
Où les serpents géants dévorés des punaises
Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !
J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades
Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants.
- Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades
Et d'ineffables vents m'ont ailé par instants.
Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,
La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux
Montait vers moi ses fleurs d'ombre aux ventouses jaunes
Et je restais, ainsi qu'une femme à genoux...
Presque île, ballottant sur mes bords les querelles
Et les fientes d'oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds.
Et je voguais, lorsqu'à travers mes liens frêles
Des noyés descendaient dormir, à reculons !
Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
N'auraient pas repêché la carcasse ivre d'eau ;
Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
Des lichens de soleil et des morves d'azur ;
Qui courais, taché de lunules électriques,
Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;
Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,
Fileur éternel des immobilités bleues,
Je regrette l'Europe aux anciens parapets !
J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
- Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t'exiles,
Million d'oiseaux d'or, ô future Vigueur ?
Mais, vrai, j'ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes.
Ô que ma quille éclate ! Ô que j'aille à la mer !
Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache
Noire et froide où vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi plein de tristesse, lâche
Un bateau frêle comme un papillon de mai.
Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,
Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes,
Ni nager sous les yeux horribles des pontons.
Chatterie, de Boris VIAN (aux Scorpions)
(Boris Vian, " Cantilènes en gelée ", p. 51, Livre de Poche, 1997)
Quand j'avais douze ans, on descendait
Tous en bande vers la Pointe-à-Pitre
On cueillait des sapotes et des mombins
Sur le bord de la route jaune
Et les oiseaux jouaient à chat perché
En criant des vieux airs créoles
La vie était en forme de dragée
Il n'y avait rien que de très doux
Et, tout de même, plein de substance...
Ma nourrice me prenait dans ses bras
À douze ans, j'étais aussi grand qu'elle
Mais jamais encore tenir dans ma bouche
La pointe ronde et noire de ses beaux seins lourds
Nous nous étendions derrière les cannes
Le vent bruissait parmi leurs feuilles longues
Aiguës et poudrées de soie rêche
Ma nourrice était toujours nue
Et moi, toujours déshabillé
Aussi, nous nous entendions bien
Elle avait une odeur sauvage
Et des dents blanches plein la figure
La terre sentait l'orbenipellule
Et des fleurs de Kongo brûlant
Nous recouvraient de leur pollen orangé
Pendant trois saisons, j'ai eu douze ans,
Parce que j'aimais tant ma nourrice,
Je ne pouvais la quitter.
Ma peau prenait des reflets bruns
Brûlée au sol de la sienne
Je la touchais avec toutes mes mains ensemble
Les mains de mes yeux, celles de mon corps
Et nos membres fumaient dans l'air veiné de noir.
Je ne sais pas comment deux allumettes
Peuvent s'emmêler, mais je sais
Que nous étions bien droits l'un contre l'autre
Comme deux allumettes; et au bout d'un instant
Un chat n'y aurait pas retrouvé ses petits...
D'ailleurs
Il savait bien que ses petits n'étaient pas là.
Vitam impendere amori, de Guillaume APOLLINAIRE
Ô ma jeunesse abandonnée
Comme une guirlande fanée
Voici que s’en vient la saison
Et des dédains et du soupçon
Le paysage est fait de toiles
Il coule un faux fleuve de sang
Et sous l’arbre fleuri d’étoiles
Le clown est l’unique passant
Un froid rayon poudroie et joue
Sur les décors et sur ta joue
Un coup de revolver un cri
Dans l’ombre un portrait a souri
La vitre du cadre est brisée
Un air qu’on ne peut définir
Hésite entre son et pensée
Entre avenir et souvenir
Ô ma jeunesse abandonnée
Comme une guirlande fanée
Voici que s’en vient la saison
Des regrets et de la raison.
Sagesse, de Paul VERLAINE
Le ciel est, par-dessus le toit,
Si bleu, si calme !
Un arbre, par-dessus le toit,
Berce sa palme.
La cloche, dans le ciel qu’on voit,
Doucement tinte.
Un oiseau sur l’arbre qu’on voit
Chante sa plainte.
Mon Dieu, Mon Dieu, la vie est là,
Simple et tranquille.
Cette paisible rumeur-là
Vient de la ville.
-Qu’as-tu fait, ô toi que voilà
Pleurant sans cesse,
Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà,
De ta jeunesse ?
illustration : © DR
(Partenariat avec L'ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE RADIO FRANCE pour la musique)
illustration
Écrivez « à la manière de... » un poème sur le thème du souvenir, de la jeunesse, et d’après les sonorités inspirées par le sextet pour instruments à vent « Mladi » (Jeunesse) de Janacek.
Prenez le risque de vous aventurer à nouveau avec les mots ! Voici une invitation à scander, chuchoter, « musicaliser » un poème à la manière de Prévert, Vian, Rimbaud, Hugo...
Poèmes référencés ci-après :
Chatterie, de Boris Vian
Maintenant j’ai grandi, de J. Prévert
En sortant du collège, de V. Hugo
Le bateau ivre d'A. Rimbaud
Vitam impendere amori de G. Apollinaire
Sagesse, de Verlaine.
• Tordez le sens, l’essence, jouez sur les sonorités.
Par exemple : relevez dans chaque poème les mots qui vous paraissent caractéristiques du thème. Choisissez une forme poétique (nombre de pieds, de strophes, longueur des vers, disposition des rimes) en fonction du poème choisi.
Puis rédigez votre poème sans utiliser les mots relevés, en prenant soin de choisir vos mots en fonction des consonances percussives (pour le rythme de la lecture).
• Proposition : utilisez l’acrostiche en guise de signature (prénom OU nom).
Ces écrits seront envoyés (avec les coordonnées postales, tél. et courriel de l'auteur) à :
veronique.sauger@radiofrance.com
1) en pièce jointe lisible par PC sous Word, mention en objet : " 2d Appel à écritures Contes Jour & Nuit"
2) ainsi qu'à l'adresse suivante :
Véronique SAUGER
FRANCE MUSIQUE
CONTES DU JOUR ET DE LA NUIT - 2d Appel à écritures
116, av. du Président Kennedy - 75220 Paris Cedex 16
3) Sera jointe une autorisation écrite en vue de l'adaptation (réécriture radiophonique adaptée aux musiques) du poème et sa lecture "musicale" sur France Musique par Véronique SAUGER (écrivain, musicienne, productrice des Contes du jour et de la nuit). Les auteurs seront déclarés à la SCAM, Société de droits d'auteurs de l'audiovisuel.
Nom : ................. Prénom : ............... Adresse postale & courriel : .......................................................
Tél. : ..............
Poème choisi :
DATE LIMITE DE PARTICIPATION : le 19 MARS 2008.
Les poèmes sélectionnés seront lus en public le 19 avril au grand auditorium de Radio France.
Bonne écriture et surtout, laissez vivre votre rythme intérieur ! Et...
« Si vos pensées sont à panser, dépensez-les ! » © 11/2007 Véronique SAUGER
Maintenant j'ai grandi, de JACQUES PRÉVERT
Enfant
j'ai vécu drôlement
le fou rire tous les jours
le fou rire vraiment
et puis une tristesse tellement triste
quelquefois les deux en même temps
Alors je me croyais désespéré
Tout simplement je n'avais pas d'espoir
je n'avais rien d'autre que d’être vivant
j'étais intact
j'étais content
et j'étais triste
mais jamais je ne faisais semblant
Je connaissais le geste pour rester vivant
Secouer la tête
pour ne pas laisser entrer les idées des gents
Secouer la tête pour dire non
et sourire pour dire oui
oui aux choses et aux êtres
aux êtres et aux choses à regarder à caresser
à aimer
à prendre ou à laisser
J'étais comme j'étais
sans mentalité
Et quand j'avais besoin d'idées
pour me tenir compagnie je les appelais
Et elles venaient
et je disais oui à celles qui me plaisaient
Les autres je les jetais
Maintenant j'ai grandi
Les idées aussi
Mais ce sont toujours de grandes idées
De belles idées
D'idéales idées
Et je leur ris toujours au nez
Mais elles m'attendent
Pour se venger
Et me manger
Un jour où je serais très fatigué
Mais moi au coin d'un bois
Je les attends aussi
Et je leur tranche la gorge
Je leur coupe l'appétit.
Victor HUGO (1802-1885), En sortant du collège : PREMIÈRE LETTRE
(Recueil : " Les chansons des rues et des bois ")
Puisque nous avons seize ans,
Vivons, mon vieux camarade,
Et cessons d'être innocents ;
Car c'est là le premier grade.
Vivre c'est aimer. Apprends
Que, dans l'ombre où nos coeurs rêvent,
J'ai vu deux yeux bleus, si grands
Que tous les astres s'y lèvent.
Connais-tu tous ces bonheurs ?
Faire des songes féroces,
Envier les grands seigneurs
Qui roulent dans des carrosses,
Avoir la fièvre, enrager,
Être un coeur saignant qui s'ouvre,
Souhaiter d'être un berger
Ayant pour cahute un Louvre,
Sentir, en mangeant son pain
Comme en ruminant son rêve,
L'amertume du pépin
De la sombre pomme d'Eve ;
Être amoureux, être fou,
Être un ange égal aux oies,
Être un forçat sous l'écrou ;
Eh bien, j'ai toutes ces joies !
Cet être mystérieux
Qu'on appelle une grisette
M'est tombé du haut des cieux.
Je souffre. J'ai la recette.
Je sais l'art d'aimer ; j'y suis
Habile et fort au point d'être
Stupide, et toutes les nuits
Accoudé sur ma fenêtre.
Arthur RIMBAUD (1854-1891), Le bateau ivre
(Recueil « Poésies »)
Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.
J'étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.
Dans les clapotements furieux des marées,
Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants,
Je courus ! Et les Péninsules démarrées
N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.
La tempête a béni mes éveils maritimes.
Plus léger qu'un bouchon, j'ai dansé sur les flots
Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l'oeil niais des falots !
Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sûres,
L'eau verte pénétra ma coque de sapin
Et des taches de vins bleus et des vomissures
Me lava, dispersant gouvernail et grappin.
Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème
De la Mer, infusé d'astres, et lactescent,
Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême
Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;
Où, teignant tout à coup les bleuités, délires
Et rythmes lents sous les rutilements du jour,
Plus fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres,
Fermentent les rousseurs amères de l'amour !
Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
Et les ressacs et les courants : je sais le soir,
L'Aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes,
Et j'ai vu quelquefois ce que l'homme a cru voir !
J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques,
Illuminant de longs figements violets,
Pareils à des acteurs de drames très antiques
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !
J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,
La circulation des sèves inouïes,
Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !
J'ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries
Hystériques, la houle à l'assaut des récifs,
Sans songer que les pieds lumineux des Maries
Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !
J'ai heurté, savez-vous, d'incroyables Florides
Mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux
D'hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides
Sous l'horizon des mers, à de glauques troupeaux !
J'ai vu fermenter les marais énormes, nasses
Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan !
Des écroulements d'eaux au milieu des bonaces,
Et les lointains vers les gouffres cataractant !
Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises !
Échouages hideux au fond des golfes bruns
Où les serpents géants dévorés des punaises
Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !
J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades
Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants.
- Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades
Et d'ineffables vents m'ont ailé par instants.
Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,
La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux
Montait vers moi ses fleurs d'ombre aux ventouses jaunes
Et je restais, ainsi qu'une femme à genoux...
Presque île, ballottant sur mes bords les querelles
Et les fientes d'oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds.
Et je voguais, lorsqu'à travers mes liens frêles
Des noyés descendaient dormir, à reculons !
Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
N'auraient pas repêché la carcasse ivre d'eau ;
Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
Des lichens de soleil et des morves d'azur ;
Qui courais, taché de lunules électriques,
Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;
Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,
Fileur éternel des immobilités bleues,
Je regrette l'Europe aux anciens parapets !
J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
- Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t'exiles,
Million d'oiseaux d'or, ô future Vigueur ?
Mais, vrai, j'ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes.
Ô que ma quille éclate ! Ô que j'aille à la mer !
Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache
Noire et froide où vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi plein de tristesse, lâche
Un bateau frêle comme un papillon de mai.
Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,
Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes,
Ni nager sous les yeux horribles des pontons.
Chatterie, de Boris VIAN (aux Scorpions)
(Boris Vian, " Cantilènes en gelée ", p. 51, Livre de Poche, 1997)
Quand j'avais douze ans, on descendait
Tous en bande vers la Pointe-à-Pitre
On cueillait des sapotes et des mombins
Sur le bord de la route jaune
Et les oiseaux jouaient à chat perché
En criant des vieux airs créoles
La vie était en forme de dragée
Il n'y avait rien que de très doux
Et, tout de même, plein de substance...
Ma nourrice me prenait dans ses bras
À douze ans, j'étais aussi grand qu'elle
Mais jamais encore tenir dans ma bouche
La pointe ronde et noire de ses beaux seins lourds
Nous nous étendions derrière les cannes
Le vent bruissait parmi leurs feuilles longues
Aiguës et poudrées de soie rêche
Ma nourrice était toujours nue
Et moi, toujours déshabillé
Aussi, nous nous entendions bien
Elle avait une odeur sauvage
Et des dents blanches plein la figure
La terre sentait l'orbenipellule
Et des fleurs de Kongo brûlant
Nous recouvraient de leur pollen orangé
Pendant trois saisons, j'ai eu douze ans,
Parce que j'aimais tant ma nourrice,
Je ne pouvais la quitter.
Ma peau prenait des reflets bruns
Brûlée au sol de la sienne
Je la touchais avec toutes mes mains ensemble
Les mains de mes yeux, celles de mon corps
Et nos membres fumaient dans l'air veiné de noir.
Je ne sais pas comment deux allumettes
Peuvent s'emmêler, mais je sais
Que nous étions bien droits l'un contre l'autre
Comme deux allumettes; et au bout d'un instant
Un chat n'y aurait pas retrouvé ses petits...
D'ailleurs
Il savait bien que ses petits n'étaient pas là.
Vitam impendere amori, de Guillaume APOLLINAIRE
Ô ma jeunesse abandonnée
Comme une guirlande fanée
Voici que s’en vient la saison
Et des dédains et du soupçon
Le paysage est fait de toiles
Il coule un faux fleuve de sang
Et sous l’arbre fleuri d’étoiles
Le clown est l’unique passant
Un froid rayon poudroie et joue
Sur les décors et sur ta joue
Un coup de revolver un cri
Dans l’ombre un portrait a souri
La vitre du cadre est brisée
Un air qu’on ne peut définir
Hésite entre son et pensée
Entre avenir et souvenir
Ô ma jeunesse abandonnée
Comme une guirlande fanée
Voici que s’en vient la saison
Des regrets et de la raison.
Sagesse, de Paul VERLAINE
Le ciel est, par-dessus le toit,
Si bleu, si calme !
Un arbre, par-dessus le toit,
Berce sa palme.
La cloche, dans le ciel qu’on voit,
Doucement tinte.
Un oiseau sur l’arbre qu’on voit
Chante sa plainte.
Mon Dieu, Mon Dieu, la vie est là,
Simple et tranquille.
Cette paisible rumeur-là
Vient de la ville.
-Qu’as-tu fait, ô toi que voilà
Pleurant sans cesse,
Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà,
De ta jeunesse ?
illustration : © DR
Mer 09 Déc 2009, 8:27 am par Admin
» Cours du 17.11.09 : D. Souiller, Noble Beast, Machiavel, Shakespeare, politique, théâtre, Retour du sacré, Prince, meurtres, Sartre et actions ou comment connecter toutes mes connaissances les unes entre elles et leur donner sens.UN SUPER COURS :-)
Ven 20 Nov 2009, 3:34 am par Admin
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Mar 17 Nov 2009, 6:03 pm par Admin
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Lun 16 Nov 2009, 3:50 am par Admin
» La nuit, quand, l'insomnie s'empare de moi, je me transforme en fille
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Jeu 12 Nov 2009, 2:31 am par Admin
» HERNANI vidéo sur le site de l'INA : trouvaille de Charlotte.
Mer 11 Nov 2009, 4:14 pm par Admin
» Plus rock que la dernière fois: the Nervous cabaret and more :- )
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Mer 11 Nov 2009, 4:20 am par Admin