William Shakespeare
6 documents associés
Biographie en résumé
Dramaturge anglais (1564-1616).
Jugement de Lessing
« Mais on a dit d’Homère qu’il était plus difficile de lui enlever un vers que d’arracher à Hercule sa massue; et l’on peut en dire autant de Shakespeare. Le moindre trait de son génie porte une empreinte qui crie à tout le monde : "J’appartiens à Shakespeare!" Et malheur aux beautés étrangères qui ont le courage de se place à côté de celle-ci!
Il faut étudier Shakespeare et non le piller. Si nous avons du génie, il sera pour nous ce qu’est la chambre obscure pour le peintre de paysage : il faut y regarder pour apprendre comment la nature se projette sur une seule surface; mais il n’y faut rien prendre.
(…) Tout, jusqu’aux plus petites parties, dans Shakespeare, est taillé suivant les grandes proportions du drame historique; et celui-ci est à la tragédie dans le goût français à peu près comme une large fresque est à une miniature pour bague.
Qu’est-ce que cette dernière peut emprunter à l’autre, si ce n’est peut-être une tête, une seule figure, tout au plus un petit groupe, qu’il faut ensuite traiter comme un tout complet? Ainsi des pensées détachées de Shakespeare deviendraient des scènes entières; et des scènes qu’on lui emprunterait deviendraient des actes. Si l’on enlève la manche de l’habit d’un géant, et qu’on veuille en tirer parti pour un nain, il ne faut pas en faire une manche, mais un habit tout entier.
Et celui qui le ferait pourrait être en repos du côté de l’accusation de plagiat. Peu de gens reconnaîtraient dans le fil la toison d’or d’où il serait tiré. Et quant au petit nombre des connaisseurs, ils ne trahiraient pas l’artiste, sachant qu’un grain d’or peut être travaillé assez artistement pour que le mérite de la forme dépasse de beaucoup la valeur de la matière. »
GOTTHOLD EPHRAIM LESSING, Dramaturgie de Hambourg. Traduction d'Édouard de Suckau, revue. et annotée par Léon Crouslé; avec une introduction par Alfred Mézières. Paris, Didier, 1873, p. 341-342.
Source : Library of Congress, Prints and Photographs Division
Vie et œuvre
Contemplant Shakespeare, «toutes les questions touchant à l'art se sont présentées à [mon] esprit», écrit Hugo dans William Shakespeare. «Et traiter ces questions; c'est expliquer la mission de l'art; traiter ces questions; c'est expliquer le devoir de la pensée humaine envers l'homme.» Il y a la Nature et il y a l'Art. L'une et l'autre sont les deux grands rideaux de la création divine. Dieu se manifeste en premier lieu à travers la Nature, puis au second degré à travers l'homme par l'Art. Hugo est celui qui a défendu avec le plus d'éloquence l'imperfectibilité de l'Art. Lui qui croyait avec tant de conviction au Progrès — «le genre humain, écrit-il, est un liseur. Il a longtemps épelé, il épelle encore; bientôt il lira.» — estimait que le grand artiste n'ajoute rien à ses prédécesseurs. «Les chefs-d'œuvre ont un seul niveau, l'absolu. Une fois l'absolu atteint, tout est dit. L'œil n'a qu'une quantité d'éblouissement possible.» De Phidias à Michel-Ange, il n'y a pas progrès; il n'y a qu'une grande marche, celle de l'esprit humain en quête d'idéal.
Shakespeare est un homme océan; Shakespeare est Terre; Shakespeare est élément; Shakespeare est toute la Nature; Shakespeare est un Tout. «Comme Homère, Shakespeare est un homme cyclique. Ces deux génies ferment les deux premières portes de la barbarie, la porte antique et la porte gothique.» Chez Shakespeare, Hugo admire «une force démesurée, un charme exquis, la férocité épique, la pitié, la faculté créatrice, la gaîté, cette haute gaîté inintelligible aux entendements étroits, le sarcasme, le puissant coup de fouet aux méchants, la grandeur sidérale, la ténuité microscopique, une poésie illimitée qui a un zénith et un nadir, l'ensemble vaste, le détail profond, rien ne manque à cet esprit. On sent, en abordant l'œuvre de cet homme, le vent énorme qui viendrait de l'ouverture d'un monde. Le rayonnement du génie dans tous les sens, c'est là Shakespeare.»
La popularité actuelle de Shakespeare fait oublier le succès relatif qu'il connut de son vivant et la longue éclipse de renommée qui allait suivre sa mort. Il fut raillé et vilipendé par tous les plus grands esprits au XVIIe et XVIIIe et l'unanimité de la critique à son endroit déconcerte aujourd'hui. On le juge artificiel, industrieux, sans grâce, grossier; on l'accuse de plagiat, de n'être qu'«un corbeau paré des plumes d'autrui». Pope, Dryden s'en moquent sans retenue. Voltaire qui le découvre lors de son voyage en Angleterre en 1728, prend plaisir à tirer sur «l'histrion barbare». S'adressant au Cardinal de Bernis, il disait: «Faites de jolis vers, délivrez-nous, monseigneur, des fléaux, des welches, de l'académie du roi de Prusse, de la bulle Unigenitus, [...] et de ce niais de Shakespeare! Libera nos, Domine.» Il en fera tant qu'on finira malgré tout par s'intéresser de plus près, des deux côtés de la Manche, à l'œuvre de Shakespeare. Furieux, Voltaire devra reconnaître sur le tard, que la grandeur de Shakespeare était faite pour résister à ses traits les plus cruels; déjà à ce moment, la gloire de Shakespeare éclipsait celle des plus grands auteurs français. Les deux Hugo réhabiliteront définitivement Shakespeare.
SOURCE : http://agora.qc.ca/mot.nsf/Dossiers/William_Shakespeare
6 documents associés
Biographie en résumé
Dramaturge anglais (1564-1616).
Jugement de Lessing
« Mais on a dit d’Homère qu’il était plus difficile de lui enlever un vers que d’arracher à Hercule sa massue; et l’on peut en dire autant de Shakespeare. Le moindre trait de son génie porte une empreinte qui crie à tout le monde : "J’appartiens à Shakespeare!" Et malheur aux beautés étrangères qui ont le courage de se place à côté de celle-ci!
Il faut étudier Shakespeare et non le piller. Si nous avons du génie, il sera pour nous ce qu’est la chambre obscure pour le peintre de paysage : il faut y regarder pour apprendre comment la nature se projette sur une seule surface; mais il n’y faut rien prendre.
(…) Tout, jusqu’aux plus petites parties, dans Shakespeare, est taillé suivant les grandes proportions du drame historique; et celui-ci est à la tragédie dans le goût français à peu près comme une large fresque est à une miniature pour bague.
Qu’est-ce que cette dernière peut emprunter à l’autre, si ce n’est peut-être une tête, une seule figure, tout au plus un petit groupe, qu’il faut ensuite traiter comme un tout complet? Ainsi des pensées détachées de Shakespeare deviendraient des scènes entières; et des scènes qu’on lui emprunterait deviendraient des actes. Si l’on enlève la manche de l’habit d’un géant, et qu’on veuille en tirer parti pour un nain, il ne faut pas en faire une manche, mais un habit tout entier.
Et celui qui le ferait pourrait être en repos du côté de l’accusation de plagiat. Peu de gens reconnaîtraient dans le fil la toison d’or d’où il serait tiré. Et quant au petit nombre des connaisseurs, ils ne trahiraient pas l’artiste, sachant qu’un grain d’or peut être travaillé assez artistement pour que le mérite de la forme dépasse de beaucoup la valeur de la matière. »
GOTTHOLD EPHRAIM LESSING, Dramaturgie de Hambourg. Traduction d'Édouard de Suckau, revue. et annotée par Léon Crouslé; avec une introduction par Alfred Mézières. Paris, Didier, 1873, p. 341-342.
Source : Library of Congress, Prints and Photographs Division
Vie et œuvre
Contemplant Shakespeare, «toutes les questions touchant à l'art se sont présentées à [mon] esprit», écrit Hugo dans William Shakespeare. «Et traiter ces questions; c'est expliquer la mission de l'art; traiter ces questions; c'est expliquer le devoir de la pensée humaine envers l'homme.» Il y a la Nature et il y a l'Art. L'une et l'autre sont les deux grands rideaux de la création divine. Dieu se manifeste en premier lieu à travers la Nature, puis au second degré à travers l'homme par l'Art. Hugo est celui qui a défendu avec le plus d'éloquence l'imperfectibilité de l'Art. Lui qui croyait avec tant de conviction au Progrès — «le genre humain, écrit-il, est un liseur. Il a longtemps épelé, il épelle encore; bientôt il lira.» — estimait que le grand artiste n'ajoute rien à ses prédécesseurs. «Les chefs-d'œuvre ont un seul niveau, l'absolu. Une fois l'absolu atteint, tout est dit. L'œil n'a qu'une quantité d'éblouissement possible.» De Phidias à Michel-Ange, il n'y a pas progrès; il n'y a qu'une grande marche, celle de l'esprit humain en quête d'idéal.
Shakespeare est un homme océan; Shakespeare est Terre; Shakespeare est élément; Shakespeare est toute la Nature; Shakespeare est un Tout. «Comme Homère, Shakespeare est un homme cyclique. Ces deux génies ferment les deux premières portes de la barbarie, la porte antique et la porte gothique.» Chez Shakespeare, Hugo admire «une force démesurée, un charme exquis, la férocité épique, la pitié, la faculté créatrice, la gaîté, cette haute gaîté inintelligible aux entendements étroits, le sarcasme, le puissant coup de fouet aux méchants, la grandeur sidérale, la ténuité microscopique, une poésie illimitée qui a un zénith et un nadir, l'ensemble vaste, le détail profond, rien ne manque à cet esprit. On sent, en abordant l'œuvre de cet homme, le vent énorme qui viendrait de l'ouverture d'un monde. Le rayonnement du génie dans tous les sens, c'est là Shakespeare.»
La popularité actuelle de Shakespeare fait oublier le succès relatif qu'il connut de son vivant et la longue éclipse de renommée qui allait suivre sa mort. Il fut raillé et vilipendé par tous les plus grands esprits au XVIIe et XVIIIe et l'unanimité de la critique à son endroit déconcerte aujourd'hui. On le juge artificiel, industrieux, sans grâce, grossier; on l'accuse de plagiat, de n'être qu'«un corbeau paré des plumes d'autrui». Pope, Dryden s'en moquent sans retenue. Voltaire qui le découvre lors de son voyage en Angleterre en 1728, prend plaisir à tirer sur «l'histrion barbare». S'adressant au Cardinal de Bernis, il disait: «Faites de jolis vers, délivrez-nous, monseigneur, des fléaux, des welches, de l'académie du roi de Prusse, de la bulle Unigenitus, [...] et de ce niais de Shakespeare! Libera nos, Domine.» Il en fera tant qu'on finira malgré tout par s'intéresser de plus près, des deux côtés de la Manche, à l'œuvre de Shakespeare. Furieux, Voltaire devra reconnaître sur le tard, que la grandeur de Shakespeare était faite pour résister à ses traits les plus cruels; déjà à ce moment, la gloire de Shakespeare éclipsait celle des plus grands auteurs français. Les deux Hugo réhabiliteront définitivement Shakespeare.
SOURCE : http://agora.qc.ca/mot.nsf/Dossiers/William_Shakespeare
Mer 09 Déc 2009, 8:27 am par Admin
» Cours du 17.11.09 : D. Souiller, Noble Beast, Machiavel, Shakespeare, politique, théâtre, Retour du sacré, Prince, meurtres, Sartre et actions ou comment connecter toutes mes connaissances les unes entre elles et leur donner sens.UN SUPER COURS :-)
Ven 20 Nov 2009, 3:34 am par Admin
» ANDREW BIRD !
Mar 17 Nov 2009, 6:03 pm par Admin
» JOY DIVISION : LE FILM!
Lun 16 Nov 2009, 3:50 am par Admin
» La nuit, quand, l'insomnie s'empare de moi, je me transforme en fille
Ven 13 Nov 2009, 6:02 am par Admin
» Cours du 10.11.09 : Didier Souiller, Joy division & Coldplay, "Comment pense-t-on le destin", le thé à la bergamote et le spleen automnal ?
Jeu 12 Nov 2009, 2:31 am par Admin
» HERNANI vidéo sur le site de l'INA : trouvaille de Charlotte.
Mer 11 Nov 2009, 4:14 pm par Admin
» Plus rock que la dernière fois: the Nervous cabaret and more :- )
Mer 11 Nov 2009, 5:15 am par Admin
» L'administratrice du forum ...
Mer 11 Nov 2009, 4:20 am par Admin