Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde texte 1 : Prologue et première partie, scène 5.
Dans Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce, Louis raconte dans le prologue comment il est revenu chez les siens pour annoncer sa mort une année auparavant. Dans le second monologue, il dit sa peur de la mort et son angoisse de l'abandon. Nous verrons comment Lagarce s'inscrit ici dans une problématique baroque. Ce dialogue d'un homme seul avec sa mort entraîne la mise en place d'une nouvelle poétique, celle du théâtre dans les lymbes mais la mélancolie est tempérée par la fantaisie baroque.
I. Déréliction de l'écrivain
1.1) La peur de la mort
Il y a une difficulté d'être au monde, une mélancolie chez Louis. À la page 7, il évoque son attente de la mort, sa mélancolie, il se sait condamné, il évoque sa peur et compare la mort à un ennemi. Il use de métaphores guerrières pour évoquer la mort.
« commettre un geste trop violent qui réveillerait l'ennemi et vous détruirait aussitôt »
La métaphore de la mort est dite avec pudeur et au détour d'une phrase :
« sans espoir jamais de survivre »
Aux pages 29-30, il a l'obsession de la mort au réveil. Elle est liée à l'angoisse de l'abandon, à la peur du manque d'amour. Il parle du sentiment d'abandon qu'il a toujours connu depuis l'enfance. Comme s'il était déjà mort. Il dit qu'on avait renoncé à lui. La mort est donc le suprême abandon qui a déjà été préparée par le manque d'amour.
1.2) La solitude existentielle
Louis évoque le désir de revenir sur ses pas, de renouer avec ses origines mais c'est un échec, il est renvoyé à ses solitudes. D'ailleurs il n'attendait pas grand chose de ce retour chez lui. La parabole biblique du retour du fils prodigue déclenche une nouvelle ère alors que Louis n'espérait pas déclencher une nouvelle ère. Ce n'est pas un retour fondateur.
« pour annoncer, dire, seulement dire »
« L'Annonciation » est l'idée d'une bonne nouvelle, de quelque chose qui annoncera une nouvelle ère. Louis évoque ce verbe comme si il allait annoncer une nouvelle ère mais il corrige => pas d'annonciation de nouvelle ère. Il n'y a pas d'espoir chez lui. Il n'y a pas l'espoir d'une réconciliation. Louis reste un étranger de passage. Dans la mise en scène de Mouveaux, il ne retire pas sa redingote. C'est un personnage errant. Louis est le double de Lagarce. Texte autobiographique → auteur qui essaie de dire le plus justement possible les idées qui le traversent alors qu'il va mourir. Mouveaux « l'errance, la perte, la solitude » → cette solitude, Louis veut l'assumer jusqu'au bout, faire face, être le maître. Ce qu'il dit à la fin du prologue page 8 → un orgueil de Louis. Il avait pris la décision avant de rester en soi, de ne pas se livrer. Il reste à distance. C'est d'ailleurs ce qui lui est reproché par les siens. Haine, rancoeur chez lui contre les siens. Dans le deuxième monologue, p.31, il a la volonté d'être séparé des autres. Il veut assumer sa solitude, p.30 :
« on ne saurait m'atteindre »
« ma solitude au milieu des autres »
Il dit avoir amené les autres à renoncer à lui. Il évoque également l'absence de communication avec les siens. P.31 :
« sans pouvoir et savoir jamais rien me dire. »
D'ailleurs la présence des monologues de Louis dans la pièce est l'indice de sa solitude existentielle. À la page 30, il évoque sa « solitude au milieu des autres », ce qu'il représente dans la pièce.
Louis se retrouve seul avec sa mort et développe une nouvelle poétique, celle du théâtre dans les lymbes.
II. Une nouvelle poétique, le théâtre dans les lymbes.
1) Le mort vivant
Dès le début de la pièce, Louis apparaît comme un mort vivant en sursis. Le deuxième vers, à la page 7 :
« - j'allais mourir à mon tour - »
est une allusion discrète à l'épidémie du Sida. Un vivant en sursis qui craint la dissolution du MOI, c'est lisible dans les pronoms : de JE à ON, p.7 :
« comme on ose bouger parfois, à peine, »
p.30 :
« on sort du sommeil, tout est limpide, on croit le saisir, ».
Beaucoup d'emplois de mode impersonnel : l'infinif. À la page 8, tout est rédigé à l'infinif => perte de l'identité. Le personnage est désindividualisé. Les vers sont courts. Très peu de vers occupent la totalité de la ligne => un rythme très découpé comme si le personnage était à bout de souffle. La langue est maladroite. Elle traduit la fragilité des identités, l'incertitude existentielle. Le personnage se reprend constamment comme en témoignent les tirets du prologue. La langue est vacillante. On trouve fréquemment la figure de l'épanorthose. P.8 :
« pour annoncer, dire, seulement dire, »
Beaucoup de répétitions, p.8 :
« me donner et donner aux autres »
On a l'impression que le langage est quelque chose de glissant qui échappe au locuteur. P.30 :
« qu'on ne m'aime plus,... m'aime plus »
Il hésite sur l'emploi grammatical et pratique l'art de la citation « - », il corrige l'imprécision ou précise quelque chose, les italiques mettent une expression en valeur et les guillemets → quelque chose que tout le monde dit, expression toute faite, opinion répandue => ironique. Comme s'il disait ce qu'on attendait qu'il dise. Procédé métalinguistique. Il commente ce qu'il dit. C'est un commentaire de ce que tout le monde dit. Musique d'un locuteur qui est mort. Un chant de la mort, d'outre-tombe. Le personnage chante à mi-voix, d'une voix blanche. La musique est constituée de refrains, ritournelle. La musique très mélancolique, de la mort. Si instrument = orgue. Ce personnage est un mort vivant, il est une créature fictive mais en même temps il s'adresse au public. C'est le fantôme qui nous raconte ce qui va se passer dans la pièce. C'est cela qui le pose en héros et non l'action. C'est un héros parce que c'est lui qui parle. Toute l'action de Juste la fin du monde est menée par la volonté de Louis. Sommes-nous dans la réminiscence, l'espoir ou le fantasme de son histoire ? Nous sommes dans les lymbes.
2) Les lymbes
L'espace est problématique. D'où parle Louis ? Est-ce qu'il est dans la maison au moment du prologue ? Dans la salle avec le public ? Où est-il ? Il est dans un espace autre, intermédiaire qui est celui des lymbes. Souvent pendant le prologue de Louis on laisse le public éclairé ou alors Louis dans la salle ou alors il est sur une passerelle, un plongeoir qui allait de la scène au public.
Le temps : Louis est déjà mort => on va appeler le repère 0 le moment d'où parle Louis. Le temps de l'énonciation de Louis est le repère 0. Le présent de la pièce est quelques mois avant la mort de Louis (0-1). C'est le présent de la troisième ligne
« j'ai près de trente-quatre ans maintenant et c'est à cet âge que je mourrai »
« maintenant » → moment où il revient voir sa mère. C'est un temps qu'on ne voit pas représenté sur la scène mais dont Louis parle (entre 0-1 et 0). L'irreprésentable (le moment de la mort). Passé plus large qui est avant la visite de Louis à sa famille :
« de nombreux mois que j'attendais d'en avoir fini » (0-2)
C'est le temps qui a précédé la visite à la famille. Il en reparle dans la scène 5 :
« C'était il y a dix jours à peine peut-être » → rapport au temps de la pièce (0-1) « Il y a dix jours » = 0-2 « aujourd'hui un an » → repère 0
Louis peut mélanger tous les repères temporels car il est mort. Il n'y a plus de repère quand l'énonciateur est mort.
« je l'ai dit au début » → prologue
Transgression du code théâtral. Le théâtre est la littérature du présent « ici et maintenant ». Lagarce utilise des procédés du roman. P.45 → autre monologue :
« Plus tard encore, c'est il y a quelques mois, je me suis enfui. » (0-2)
Cf. p.43 au début de la scène 10, il fait allusion à sa maladie. Au moment où on lui annonce sa maladie. P.7 :
« c'est à cet âge que je mourrai » → futur
Le temps repère du futur est 0-1. On a l'impression qu'il a commencé à parler avant qu'on entre dans la salle. C'est le discours d'un mort => un discours qui ressasse en permanence, ne s'arrête jamais et que nous, spectateur, prenons en cours de route.
Cette façon de faire parler un mort est un procédé baroque.
Dans Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce, Louis raconte dans le prologue comment il est revenu chez les siens pour annoncer sa mort une année auparavant. Dans le second monologue, il dit sa peur de la mort et son angoisse de l'abandon. Nous verrons comment Lagarce s'inscrit ici dans une problématique baroque. Ce dialogue d'un homme seul avec sa mort entraîne la mise en place d'une nouvelle poétique, celle du théâtre dans les lymbes mais la mélancolie est tempérée par la fantaisie baroque.
I. Déréliction de l'écrivain
1.1) La peur de la mort
Il y a une difficulté d'être au monde, une mélancolie chez Louis. À la page 7, il évoque son attente de la mort, sa mélancolie, il se sait condamné, il évoque sa peur et compare la mort à un ennemi. Il use de métaphores guerrières pour évoquer la mort.
« commettre un geste trop violent qui réveillerait l'ennemi et vous détruirait aussitôt »
La métaphore de la mort est dite avec pudeur et au détour d'une phrase :
« sans espoir jamais de survivre »
Aux pages 29-30, il a l'obsession de la mort au réveil. Elle est liée à l'angoisse de l'abandon, à la peur du manque d'amour. Il parle du sentiment d'abandon qu'il a toujours connu depuis l'enfance. Comme s'il était déjà mort. Il dit qu'on avait renoncé à lui. La mort est donc le suprême abandon qui a déjà été préparée par le manque d'amour.
1.2) La solitude existentielle
Louis évoque le désir de revenir sur ses pas, de renouer avec ses origines mais c'est un échec, il est renvoyé à ses solitudes. D'ailleurs il n'attendait pas grand chose de ce retour chez lui. La parabole biblique du retour du fils prodigue déclenche une nouvelle ère alors que Louis n'espérait pas déclencher une nouvelle ère. Ce n'est pas un retour fondateur.
« pour annoncer, dire, seulement dire »
« L'Annonciation » est l'idée d'une bonne nouvelle, de quelque chose qui annoncera une nouvelle ère. Louis évoque ce verbe comme si il allait annoncer une nouvelle ère mais il corrige => pas d'annonciation de nouvelle ère. Il n'y a pas d'espoir chez lui. Il n'y a pas l'espoir d'une réconciliation. Louis reste un étranger de passage. Dans la mise en scène de Mouveaux, il ne retire pas sa redingote. C'est un personnage errant. Louis est le double de Lagarce. Texte autobiographique → auteur qui essaie de dire le plus justement possible les idées qui le traversent alors qu'il va mourir. Mouveaux « l'errance, la perte, la solitude » → cette solitude, Louis veut l'assumer jusqu'au bout, faire face, être le maître. Ce qu'il dit à la fin du prologue page 8 → un orgueil de Louis. Il avait pris la décision avant de rester en soi, de ne pas se livrer. Il reste à distance. C'est d'ailleurs ce qui lui est reproché par les siens. Haine, rancoeur chez lui contre les siens. Dans le deuxième monologue, p.31, il a la volonté d'être séparé des autres. Il veut assumer sa solitude, p.30 :
« on ne saurait m'atteindre »
« ma solitude au milieu des autres »
Il dit avoir amené les autres à renoncer à lui. Il évoque également l'absence de communication avec les siens. P.31 :
« sans pouvoir et savoir jamais rien me dire. »
D'ailleurs la présence des monologues de Louis dans la pièce est l'indice de sa solitude existentielle. À la page 30, il évoque sa « solitude au milieu des autres », ce qu'il représente dans la pièce.
Louis se retrouve seul avec sa mort et développe une nouvelle poétique, celle du théâtre dans les lymbes.
II. Une nouvelle poétique, le théâtre dans les lymbes.
1) Le mort vivant
Dès le début de la pièce, Louis apparaît comme un mort vivant en sursis. Le deuxième vers, à la page 7 :
« - j'allais mourir à mon tour - »
est une allusion discrète à l'épidémie du Sida. Un vivant en sursis qui craint la dissolution du MOI, c'est lisible dans les pronoms : de JE à ON, p.7 :
« comme on ose bouger parfois, à peine, »
p.30 :
« on sort du sommeil, tout est limpide, on croit le saisir, ».
Beaucoup d'emplois de mode impersonnel : l'infinif. À la page 8, tout est rédigé à l'infinif => perte de l'identité. Le personnage est désindividualisé. Les vers sont courts. Très peu de vers occupent la totalité de la ligne => un rythme très découpé comme si le personnage était à bout de souffle. La langue est maladroite. Elle traduit la fragilité des identités, l'incertitude existentielle. Le personnage se reprend constamment comme en témoignent les tirets du prologue. La langue est vacillante. On trouve fréquemment la figure de l'épanorthose. P.8 :
« pour annoncer, dire, seulement dire, »
Beaucoup de répétitions, p.8 :
« me donner et donner aux autres »
On a l'impression que le langage est quelque chose de glissant qui échappe au locuteur. P.30 :
« qu'on ne m'aime plus,... m'aime plus »
Il hésite sur l'emploi grammatical et pratique l'art de la citation « - », il corrige l'imprécision ou précise quelque chose, les italiques mettent une expression en valeur et les guillemets → quelque chose que tout le monde dit, expression toute faite, opinion répandue => ironique. Comme s'il disait ce qu'on attendait qu'il dise. Procédé métalinguistique. Il commente ce qu'il dit. C'est un commentaire de ce que tout le monde dit. Musique d'un locuteur qui est mort. Un chant de la mort, d'outre-tombe. Le personnage chante à mi-voix, d'une voix blanche. La musique est constituée de refrains, ritournelle. La musique très mélancolique, de la mort. Si instrument = orgue. Ce personnage est un mort vivant, il est une créature fictive mais en même temps il s'adresse au public. C'est le fantôme qui nous raconte ce qui va se passer dans la pièce. C'est cela qui le pose en héros et non l'action. C'est un héros parce que c'est lui qui parle. Toute l'action de Juste la fin du monde est menée par la volonté de Louis. Sommes-nous dans la réminiscence, l'espoir ou le fantasme de son histoire ? Nous sommes dans les lymbes.
2) Les lymbes
L'espace est problématique. D'où parle Louis ? Est-ce qu'il est dans la maison au moment du prologue ? Dans la salle avec le public ? Où est-il ? Il est dans un espace autre, intermédiaire qui est celui des lymbes. Souvent pendant le prologue de Louis on laisse le public éclairé ou alors Louis dans la salle ou alors il est sur une passerelle, un plongeoir qui allait de la scène au public.
Le temps : Louis est déjà mort => on va appeler le repère 0 le moment d'où parle Louis. Le temps de l'énonciation de Louis est le repère 0. Le présent de la pièce est quelques mois avant la mort de Louis (0-1). C'est le présent de la troisième ligne
« j'ai près de trente-quatre ans maintenant et c'est à cet âge que je mourrai »
« maintenant » → moment où il revient voir sa mère. C'est un temps qu'on ne voit pas représenté sur la scène mais dont Louis parle (entre 0-1 et 0). L'irreprésentable (le moment de la mort). Passé plus large qui est avant la visite de Louis à sa famille :
« de nombreux mois que j'attendais d'en avoir fini » (0-2)
C'est le temps qui a précédé la visite à la famille. Il en reparle dans la scène 5 :
« C'était il y a dix jours à peine peut-être » → rapport au temps de la pièce (0-1) « Il y a dix jours » = 0-2 « aujourd'hui un an » → repère 0
Louis peut mélanger tous les repères temporels car il est mort. Il n'y a plus de repère quand l'énonciateur est mort.
« je l'ai dit au début » → prologue
Transgression du code théâtral. Le théâtre est la littérature du présent « ici et maintenant ». Lagarce utilise des procédés du roman. P.45 → autre monologue :
« Plus tard encore, c'est il y a quelques mois, je me suis enfui. » (0-2)
Cf. p.43 au début de la scène 10, il fait allusion à sa maladie. Au moment où on lui annonce sa maladie. P.7 :
« c'est à cet âge que je mourrai » → futur
Le temps repère du futur est 0-1. On a l'impression qu'il a commencé à parler avant qu'on entre dans la salle. C'est le discours d'un mort => un discours qui ressasse en permanence, ne s'arrête jamais et que nous, spectateur, prenons en cours de route.
Cette façon de faire parler un mort est un procédé baroque.
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